Je ne trouve le temps - et l'énergie - de vous raconter un peu nos aventures que maintenant, cinq jours après notre arrivée. Cinq jours, ce n'est vraiment pas lourd pour récupérer, recharger les batteries et se mettre en ordre de bataille pour le retour.
Que vous dire de cette première étape des Sables-Les Açores ? Déjà qu'on l'a faite ! A 26 coureurs arrivés après plus de 12 jours de mer et des conditions aussi variées que difficiles, on a un peu le sentiment d'être des survivants, voire des héros, ou en tout cas, des guerriers.
Personnellement, c'est la course la plus dure que j'ai jamais faite. Et ça fait 10 ans que je laboure ce circuit. Non pas que la course fut dure techniquement (ce sera plutôt pour le retour, avec bcp de brise au portant), mais je l'ai trouvée très éprouvante mentalement.
Deux premiers jours de pétole, puis trois fronts à passer dans le Golfe de Gascogne, au milieu des rails de cargo (que j'ai croisé deux fois), avec 35 noeuds de vent par des nuits sans lune... Et une mer, une mer... jamais vu ça.
Ensuite, quelques jours de répit avant de courir à la poursuite d'une dorsale qui courait plus vite que nous. Durant cette première semaine, le fait d'être en tête (au scratch !) faisait largement passer la pilule, même si vous verrez sur les vidéos que je mettrai en ligne à mon retour, que la course passait parfois au second rang. Mais j'avais malgré tout d'excellentes sensations, j'étais en phase avec les schémas météo, et quand vos choix stratégiques sont bons, l'euphorie n'est pas loin, même dans la baston. Au large de l'Espagne, alors que je faisais route plein sud, je peux vous dire que je suis resté béat de joie devant l'aile de mouette parfaite qui se dessinait sur mon traceur...
Seulement, le compteur défilait lentement. Les jours s'étiraient avec ce vent toujours de face, cette météo d'une complexité incroyable... Nous étions un petit groupe très soudé, nous avons bâti une stratégie vers le sud presque collective : ils étaient derrière moi, je me suis dit que je n'avais pas le choix et que je devais contrôler.
La nuit du 4 août fut terrible : le vent a refusé de plus en plus, j'ai mis plus de temps que les autres à me dire qu'on ne verrait jamais le bout de cette fichue dorsale, j'ai même mis le gennak pour la traverser vite à 90°. Contrairement à ce qu'on peut penser, je n'ai pas bcp dormi cette nuit-là, une heure ou deux tout au plus, mais le mal était fait. Dans l'après-midi, j'avais perdu ma VHF, dont le micro ne fonctionnait plus.
Le lendemain soir, un quatrième front nous attendait, plein d'orgaes, avec une mer toujours aussi pourrie. Dans la nuit, mon pilote a rendu l'âme. Franchement, la panne de pilote, en course, au large, c'est vraiment ce qu'il y a de pire... J'ai passé toute la nuit dans la bannette, à déprimer, barre amarrée.
Après 24 heures passées à triturer mes boîtiers, j'ai fini par récupérer le pilote en mode compas. Ce n'est qu'à Horta que Lucas Montagne, notre sauveur, venu exprès de France, a trouvé la panne : la prise de la girouette électronique, au fond du bateau et non en tête de mât était pleine de corrosion.
La nuit après le front, après une journée de molle dans une mer pas calmée (l'enfer, quoi ;-) ), le vent est revenu à plus de 20 noeuds du NO. Une nuit de reaching nous attendait : j'ai choqué, épuisé physiquement et mentalement, j'ai dormi 6 heures de suite quand mes petits camarades s'envolaient sous gennak ou code 5.
On s'est dit que l'arrivée était proche, et le soulagement était palpable à la VHF. Mais l'anticyclone des Açores s'était décidé à se rappeler à notre bon souvenir : la pétole nous est tombée dessus... On n'en pouvait plus, le ras-le-bol était général et on se disait que cela allait être terrible de repartir après une étape si courte...
Le vent est alors rentré du sud alors que nous étions positionné pour un passage au Nord des Açores. Le chemin de croix continuait, et je peux vous confirmer que les dévents des îles tapent terriblement sur les nerfs.
Finalement, au matin du 13e jour de course, Sao Jorge m'a délivré de ses calmes et j'ai pu faire route vers Horta. Le lever de soleil sur Pico était sublime, le genre d'arrivée qui vous réconcilie avec la voile.
Depuis, je bouffe, je dors, je parle... ;-) Lucas a réparé toutes les pannes, les 24 heures d'escale supplémentaires accordés par la direction de course nous ont fait le plus grand bien. Maintenant, il faut rentrer. Sans casser.
A bientôt aux Sables,
PYL
NB : je ferai un récit beaucoup plus détaillé en rentrant, avec de nombreuses vidéos.