[Le champagne tiède, c'est trop bon ! Photo Philippe Eliès/Le Télégramme]
Tout au long de la matinée de ce troisième jour, le vent grimpe progressivement et commence doucement à refuser. La prévision est ouest-sud-ouest, ce qui est à la limite entre le bon plein et le reaching. Sous gennaker, nous recommençons à avaler les milles en route vers l'Occidentale de Sein, la cardinale ouest qui balise l'extrémité de la Chaussée du même nom. Un sale coin, toujours agité. Nous y sommes passés l'an dernier lors de la Demi-Clé, la houle était dantesque...
On y pense déjà parce que l'on sait que l'on y arrivera en même temps que le front de la dépression qui nous a empêché d'aller au Fastnet... Comme on se retrouve ! Au large de Belle-Ile, le rythme reste élevé, et Regions Job a du mal à suivre le rythme. Nous sommes matossés à bloc, les bidons d''eau vides re remplis. On prend le premier ris, puis j'envisage de prendre le deuxième, ça devient de plus en plus chaud de tenir le gennak : le vent est monté à plus de 20 noeuds et nous sommes quand même très près du vent pour cette force-là. "Si on roule pas, il va rouler pour nous", que je dis à Stevan'... on roule. Quelques minutes plus tard, le vent adonne de 10 petits degrés : on renvoie.
Franchement, ce n'est qu'à moitié sérieux : le bateau gîte énormément, la grand voile est en drapeau, mais on avance toujours sous gennak : "Est-ce qu'on va plus vite que sans le gennak ?" lâche Stevan' ? Oui. "Alors on continue !" OK, OK... Pleine balle au travers, le bateau escalade les vagues et ça secoue sacrément...
2008 Mini-Fastnet 8
envoyé par pylautrou
Nous ne sommes évidemment pas au bout de nos peines : avec le jour qui décline le vent se renforce, et il faut cette fois rouler définitivement le gennak et capeler les cirés. Les vagues se creusent et le pont commence à être régulièrement submergé. Derrière, Antoine et le Tip-Top ont disparu depuis longtemps (nous aurons jusqu'à plus de 10 milles d'avance sur eux), mais nous devions la présence d'une voile, légèrement décalée à notre vent : Oliver Bond est là et la bagarre ne faiblit pas...
A la nuit, cela devient franchement sauvage. Le vent flirte avec les 30 noeuds, mais nous nous contentons du 2e ris dans la GV, l'Inter reste entièrement hissé, et ça le fait bien. Je crois que ni Stevan' ni moi n'osons évoquer la prise de ris dans l'inter, par ces conditions, c'est une véritable punition ! A l'intérieur, c'est un véritable shaker, mais pas question de lâcher. Un moment, je demande à Stevan' dans la nuit noire si ça va. "C'est chaud", répond-il simplement. La parole de ce garçon étant rare, cela vous donne une idée des conditions...
2008 Mini-Fastnet 9
envoyé par pylautrou
Il ne faut pas surtout pas faiblir, parce que la renverse à l'Occidentale est vers 6-7 heures, autrement dit, ceux qui passent ferment la porte derrière eux ! Au milieu de la nuit, tout à coup, une lumière se rapproche de nous et nous double sans effort. "C'est forcément un proto", me dis-je. Pas du tout, c'est "James" Bond qui nous reprend la première place, mais on ne le sais pas encore. La lumière s'arrête quelques centaines de mètres plus loin et l'écart se stabilise : rien n'est joué, une fois de plus.
A l'approche de l'Occidentale, le vent refuse et faiblit en même temps que le courant commence à tourner. Nous nous retrouvons à tirer des bords dans l'aube naissante. Une voile, puis deux : le proto 303 est là, ainsi que le 438 d'Oliver Bond et Nicko Brennan. Nous croisons une première fois juste derrière eux, puis à la faveur d'un contre bord, nous croisons 1,5 longueur devant eux, bâbord amures ! On s'échange des grands signes... Nous sommes repassés devant et on ne va plus lâcher la première place.
Vers 7h00 du matin, après avoir renvoyé toute la toile, nous enroulons l'Occidentale comme une vulgaire bouée de régate : spi à poste, pré-brassé, pré-drissé, le bout-dehors sorti. 50 mètres derrière nous l'équipage anglo-australien est toujours là. Le calme après la tempête : sous spi, avec encore beaucoup de vagues mais très peu de vent (il tombe à 5 noeuds !), nous sommes obligés de lofer pour faire avancer le bateau.
Avec l'anglois - très rapide sous spi - à nos trousses, nous ne sommes pas tranquilles : une seule règle, le contrôle... Mais Bond monte beaucoup trop haut vers Ouessant, nous décidons, en fin de matinée, de lâcher le contrôle et de faire route vers les dernières marques de parcours devant le cap de la Chèvre. Le 438 revient un peu, mais n'attaque pas outre-mesure. Au milieu de la baie, on commence à se relâcher : il ne reviendra pas, la victoire est pour nous...
2008 Mini-Fastnet 10
envoyé par pylautrou
Vers 15h00, nous franchissons donc la ligne en vainqueur, avec 8 petites minutes d'avance sur nos valeureux adversaires anglais et plus de deux heures sur les suivants...
Et elle est belle cette victoire ! Avec Stevan', on a tellement souvent gagné les courses d'entraînement, ou de petites courses, on a tellement eu de malchance avec la pétole, que cette victoire fait énormément plaisir, parce qu'on a maîtrisé notre course de bout en bout.