D'abord une semaine de travail très chargée. Jusqu'au matin du départ, j'ai bossé sur le dossier que je bouclais ce jeudi matin-là pour le journal. Pas vraiment la tête à ce Trophée MAP, un peu (bcp) de speed et pas assez de sommeil tout au long des nuits précédentes. Le lot commun, hélas, de beaucoup d'amateurs.
Ensuite, le matin du départ, ce fut un festival : un, la cartouche d'encre de l'imprimante vide alors que je dois imprimer les cartes de vent ; deux, arrivé à DZ, je m'aperçois que j'ai oublié mes cirés ! ; trois, en allant au bateau, je renverse le plat de pâtes que ma mère m'a préparé - pas de bol, c'est toute ma nourriture de la course, j'ai même laissé le réchaud à la maison ; quatre, en envoyant la GV, je mets deux heures à me rendre compte que la drisse est passée derrière les lazy-jacks ; cinq, sur la ligne, le vent a pris énormément de gauche, tellement, que lorsque je veux lofer pour ralentir un peu, je mets mon génois à contre et je fais un tour complet sur moi-même dans la minute, obligeant Nicolas Bunoust, juste à côté de moi, à faire de même (encore désolé Nico...).
Mais, après la bouée de dégagement, où je limite bien les dégâts en passant dans les 10 en série, c'est du reaching et je remonte bien sur la tête de course, qui n'est pas si loin. Je me sens beaucoup mieux, moins fatigué : il y a du vent et du soleil, ça va être une course sympa...
Et puis, au bout d'une heure et demi, la drisse de génois casse. Bon. Restons zen, ça va juste compliquer les nombreuses manoeuvres de changement de voiles d'avant qui nous attendent... J'affale le génois et lui passe la drisse de capelage. Si elle tient jusqu'au bout, ça sera bien, vu qu'elle va frotter sur l'étai...
En retournant vers l'arrière, je me dis qu'il faut prendre un ris, le vent montant et refusant au passage du cap de la Chèvre. J'ai déjà perdu plusieurs places dans la manoeuvre quand une alarme se met en route : tiens, j'ai du déclencher l'Activ Echo sans faire attention, me dis-je. Ben pas du tout, c'est mon ami le pilote qu'est pas content. Pas content du tout, même.
"Erreur bus. Câble data en court-circuit", me dit l'afficheur. Un message qu'on aime jamais voir. J'éteins, je rallume, plusieurs fois, mais je sais que ça ne sent pas bon du tout, j'ai déjà connu ça sur les Açores en 2006.
Je tripote le gyrographic, descend à l'intérieur voir si un câble s'est déconnecté, si le calculateur est tombé... Rien. Au bout de 20 minutes, il faut bien se résoudre à l'évidence, je suis en rade de pilote, de speedo et de girouette. Même pas deux heures de course. Je prends mon ris barre amarrée, je réfléchis un peu : je suis déjà qualifié pour Les Sables-Les Açores, j'y vais pour la bagarre devant et je suis déjà handicapé par ma drisse cassée...
A 10 milles du Raz-de-Sein, je fais demi-tour, la mort dans l'âme. Abandonner deux courses sur trois, ça fout vraiment les boules. Autant la première, j'ai été soulagé de prendre cette décision, autant celle-là, vu tous les efforts déployés pour être au départ, ça fait vraiment mal.
Mais, vu le rythme d'enfer imposé par les premiers, il est fort probable que je n'aurais pas tenu le coup. Le genre d'épreuve qui vous fait réfléchir sur sa capacité à mener de front boulot et bateaux... le temps d'une soirée, uniquement. Dès dimanche la to do list pour le Mini-Fastnet était prête !
C'est la magie de la course à la voile : on est un peu bête, on ne retient que les bons moments...