[Les nouvelles couleurs du 543 pour la saison 2008... Photo Benoît Sineau]
Je le savais. Et pourtant, je l'avais presque oublié : la Sélect, épreuve qui donne chaque année le coup d'envoi de la saison Mini, est l'une des courses les plus difficile - si ce n'est la plus dure - du circuit... Pourquoi ? Parce qu'elle est se déroule tôt en saison, avec des conditions toujours viriles, parce qu'elle est suffisamment courte pour nous empêcher de dormir bcp et suffisamment longue pour nous obliger à puiser dans nos réserves. Bref, elle fait mal... 300 milles nautiques à parcourir depuis Pornichet en passant par le phare des Birvideaux (entre Belle-Ile et Groix), la bouée d'eaux saines de Bourgenay (au sud des Sables d'Olonne), la pointe de Pen Men (au nord-ouest de l'île de Groix) et Pornichet.
Cette édition 2008 marque ma 5e participation : 7e en 2001, abandon en 2002 (entorse du genou) et en 2005 (avarie sur la GV), 2e en 2006. Le week-end précédant la course, j'ai convoyé en compagnie de trois autres bateaux depuis Lorient : 14 heures de près, dont 8 dans la baston. Arrivée le dimanche matin, épuisé, mais heureux d'avoir testé le bateau dans la brise. A quelques heures du départ, le bateau est prêt : voiles neuves, carène passée entre les mains expertes de Thierry Fagnent chez Amco, cet hiver, Altaïde-Moovement a subi une nouvelle cure d'amaigrissement avec un bib allégé, etc. Bref, le bateau est prêt. Et le skipper ? Il est certes expérimenté, comme ne le cessent de le rappeler mes petits camarades nouveaux venus sur le circuit - j'ai vraiment l'impression d'être un ancien cette année, avec mes 9 saisons au compteur. Mais il est surtout, je vais vite m'en rendre compte, fatigué par le boulot, et notamment un séjour aux Antilles récent dont le décalage horaire se fait encore sentir...
Samedi matin, après le briefing skipper, une visite rapide chez mon ami Jérôme Védrenne à La Baule pour charger les derniers fichiers météo. Et m'entretenir avec Jean-François Bonin, le routeur à l'accent chantant de MeteoStrategy avec qui je travaille cette année. Jef m'annonce un petit flux de S à SE pour le départ avant une longue nuit de molle. Sur l'eau, devant le port, la molle arrive déjà. 12h00, une ventrée de carbonara, derniers coups de fil en rejoignant le bateau, remorquage express, 30 minutes à attendre le départ dans la pétole arrivée cette fois très rapidement, et la procédure de 8 minutes démarre.
Je choisis de partir à la bouée et de privilégier la gauche du plan d'eau. C'est une bonne solution, il n'y a vraiment pas beaucoup d'air, 5 à 7 noeuds tout au plus, et cela tombe encore à la bouée de dégagement qui nous emmène vers la porte des Guérandaises et la sortie de la baie du Pouliguen. Installé sous le vent, la télécommande à la main, je laisse le pilote gérer les légères variations d'angle du vent. Une technique assez efficace, puisque je passe dans les 5 premiers bateaux de série et réussi à éviter un contre bord fatidique à plusieurs bateaux pour passer les Guérandaises.
Passées les Guérandaises, c'est un peu la loterie. Un parcours spectacle nous emmène le long de côte du Pouliguen avant de revenir virer les Guérandaises. Les bateaux à la côte s'empétolent rapidement. Je privilégie la vitesse, toujours sous pilote. Surtout, ne pas bouger, ne pas rompre le cycle vertueux : vitesse du bateau = vent... Je remonte ainsi toute la flotte des séries, évitant de pousser trop à droite mon bord. Seul Benoît Sineau me tient tête et enroule la bouée avant moi pour envoyer son spi. A la descente sous spi vers l'entrée de la baie, j'ai du mal à suivre le rythme en raison d'une nouvelle sous-barbe (le bout qui relie le bout du bout-dehors à l'étrave du bateau) qui tend exagérément le bord 'attaque (l'avant) de mon spi. Je choisis aussi de glisser sous le vent et cela ne marche pas, Benoît prend de l'avance et Damien Guillou, sur le Tip Top 616 Demi-Clé, revient dangereusement...
Pour le contrer, je décide d'empanner assez tôt, afin de me caler tribord amure et garder la priorité en arrivant sur la bouée. Ce que je fais. Damien arrive babord, mais c'est comme s'il ne m'avait pas vu ! Je crie pendant que j'affale mon spi à deux longueurs de la bouée. Lui aussi est en train d'affaler et arrive très vite : il pousse sa barre en grand et passe derrière moi... tandis que son spi passe devant mon bateau ! Emmêlés, nous nous arrêtons tous les deux, empêtrés à quelques longueurs de la bouée... Pendant ce temps-là, évidemment, nos petits camarades en profitent et nous passent devant. Je cours à l'avant, parviens à dégager le spi de Damein, et le tire vers l'arrière afin de le libérer. Miracle, nos deux bateaux se libèrent et le spi du 616 n'est même pas déchiré.
Je reprends ma route, borde mes voiles et, en descendant sous le vent, je découvre le bateau comité, au mouillage... Pas le temps de dire ouf, Altaïde-Moovement vient frotter violemment sur sa chaîne : sur 20 centimètres, la liaison pont-coque est sérieusement entamée et le chandelier en prend un sacré coup. Par miracle, la chaîne libère le safran bâbord qui s'apprêtait à y passer lui aussi ! Je finis par me dégager et reprend ma route, sérieusement secoué. Je finis de ranger le spi, vire de bord pour analyser les dégâts : c'est pas très propre, mais avec du grey-tape, ça tiendra le temps de la course...
Tout cela s'annonçait plutôt bien jusqu'ici. Mais je dois bien admettre que je suis un peu destabilisé par ces évènements : je m'apprêtais à sortir en seconde position du parcours spectacle et je prends le large aux alentours de la 10e place, un peu en vrac...