[Le phare des Birvideaux. Photo attrapée ici.]
Les Birvideaux enroulés, je prépare mécaniquement mon grand spi, non sans hésitation. Je vois bien que l'angle de vent ne me permettra pas de naviguer avec la plus grande voile du bord, mais, rien n'y fait, je fais comme tout le monde. Le vent est bien rentré maintenant, et j'ai beau serrer le plus possible ce phare planté en pleine mer, histoire de faire l'intérieur à quelques petits camarades, je dois affaler mon spi rapidement. C'est du reaching, tout simplement, de plus en plus ouvert au fur et à mesure que le vent d'ouest prend de la droite.
Le reaching, je sais faire. Matossage à bloc, un peu en arrière, chute de GV bien tendue mais pas trop afin de ne pas giter exagérément, et, surtout, la voile d'avant munie d'une short-sheet (une seconde écoute qui permet d'ouvrir la voile tout en tendant la chute), voilà le secret de la vitesse. Comme cela fait un paquet de fois que je passe dans le coin, je suis le plus à l'intérieur, près de la côte de Belle-Ile. Je gagne du terrain sur mes petits camarades et commence à gagner des places. Le vent continuant à tourner à droite, ceux qui sont passés longtemps avant aux Birvideaux se trouvent décalés vers l'extérieur...
Vers 13h00, il est temps d'envoyer le spi. Je n'hésite pas longtemps et envoie le grand spi, pas trop sûr de moi quand même. C'est la bonne toile : sous GV haute et voile d'avant toujours à poste, je pars pleine balle. Premier de mon groupe à avoir envoyé la bulle, je prends de l'avance. Ca glisse bien, et je rattrape Traiteur de Paris, avec un 1 ris dans la GV et un petit spi à poste, puis le proto de Donatien Carme, qui souffre d'une voie d'eau. J'ai bien creusé avec mes poursuivants, je mets le pilote et tente d'avaler un morceau rapide : salade de pâtes, riz au lait, banane... Et ce satané mal de crâne qui vire à la migraine persistante. Je grappille 15 minutes de sommeil par ci-par là, en fonction de la capacité du pilote à tenir le rythme. Je n'ai plus de mode vent réel, je me contente du mode vent apparent, mais cela fonctionne pas mal. Au fil de la journée, toujours très couverte, j'affine la trajectoire, aiguillonné par les copains de derrière qui descendent plus que moi. Devant, Sébastien Rogue va très très vite sous spi... Sur tribord, le groupe de tête a été rattrapé par l'intérieur... Je suis 2 ou 3, mais je ne le perçois pas vraiment. Tout va bien, je suis juste complètement cramé de fatigue et je m'en rends à peine compte.
La nuit tombe et je n'ai pas assez dormi. Le vent rentre un peu plus fort, peut-être une grosse quinzaine de noeuds, mon anémo n'est pas très fiable depuis l'orage de ce midi. Je prends un ris et me prépare mentalement à l'empannage. Ce n'est rien, un empannage dans 15-20 noeuds de vent : j'en ai déjà fait des paquets. Mais, et c'est un signe, je m'en fais une montagne. Je fais et je refais mes calculs d'angle, j'appelle le sémaphore de l'Ile d'Yeu pour avoir la direction précise du vent. Et je décide d'empanner quand la bouée de Bourgenay est dans le 80... Comme toute la flotte, ou presque, j'empanne trop tard, sans doute piégé par une bascule franche et tardive.
L'empannage se passe impeccablement, d'autant que j'ai pris un ris juste avant, avec le vent qui fraîchit légèrement. Mais je suis largement sous la lay-line. Je suis catastrophé, comment ai-je pu faire une erreur pareille ? Cette fois, c'est sûr que j'ai perdu la course, me dis-je... Je tente de faire la marque sous grand spi, bien matossé, le bout-dehors dans l'axe ou presque. Au début, je ne tiens pas mon cap, puis, au fur et à mesure que je prends la situation en main, j'y parviens. Il est 23 h quand j'empanne, la bouée de Bourgenay est à 12,4 milles : je l'atteins... 55 minutes plus tard. C'est un run sauvage, humide, à la limite du contrôle. Deux fois, trois fois je pars au tas, mais le matos tient bon et Altaïde-Moovement cavale vers la marque de Bourgenay...
En arrivant dessus, je ne vois pas d'autres feux autour de moi. Où sont passés les autres ??? Houlala, j'ai vraiment dû manger avec cet empannage foireux ! Voilà ce que je me dis, alors qu'en fait... je viens de passer en tête des séries, juste devant Seb Rogue ! Avec juste 5 protos devant...
Maintenant, il faut repartir au près, pour un long bord de 100 milles vers l'île de Groix. La mer est courte, hâchée, je suis trempé, épuisé, ma migraine ne s'améliore pas, au contraire... Je n'ai plus qu'une idée en tête : aller dormir. Le temps d'un contre bord vers le large, je vérifie le GPS, l'Ile d'Yeu est à 28 milles, largement de quoi voir venir. Je vire de bord bâbord amure, route vers Yeu et je vais me coucher...
Ordre de passage des bateaux de série à la bouée d'eaux saines de Bourgenay, dimanche 27 avril :
(attention, le 488 de Lionel Rubio de Terran n'a pas été pointé)
1) 543 Pierre-Yves Lautrou ALTAÏDE MOOVEMENT 23h55
2) 552 Sébastien Rogues KAÏROS
3) 472 Xavier Mocaire MASOCO BAY
4) 599 Yves Ravot ROSSINANTE
5) 612 Guillaume Le Brec GALANZ
6) 426 Ricardo Apolloni MA VIE POUR MAPEI
7) 674 Davy Beaudart PORT A SEC GUY BEAUDART
8) 438 Oliver Bond BASE CAMP 01h04
9) 697 Amaury François QUALITEL
10) 539 Henri Meyniel KALONIG 2
11) 616 Damien Guillou VIDA PURA
12) 569 Bertrand Delesne DANFOSS – LE GALL 02h00