[Altaïde-Moovement sous spi devant Basse Vieille, premier à la bouée, juste devant le Dingo 2. Photo Littoral Ouest]
Ce dimanche matin, il fait beau. Et, selon les rumeurs de la veille et du matin, le comité n'enverra pas de course, certains concurrents étant arrivés très tard. Nous sommes en train de prendre notre petit-déjeuner à Camaret, sur le quai, au pied de la maison familiale, quand nous apprenons que le briefing de 11 heures a débouché sur l'organisation d'un parcours côtier. Vite, nous prenons la route pour Morgat et je réveille Erwan par téléphone. Le bigouden râle, mais il arrive sur le ponton dans les délais. Pour le consoler de ne pouvoir récupérer, je lui confie la barre, histoire qu'il puisse se réveiller tranquillement... ;-)
Le programme est simple : bouée de dégagement, Basse Vieille, au pied du cap de la Chèvre, le Bouc, un peu au large de la plage de la Palue, puis Basse Vieille à nouveau et retour, soit 15 milles sous le soleil, avec, pour le départ, une quinzaine de nœuds de NE. Nous changeons notre génois pour l'inter et préparons le spi.
Pour une fois, on prend un bon départ, côté comité. Mais on hésite un peu trop entre la gauche et la droite en restant au milieu du plan d'eau. Une stratégie moyenne, qui nous fait passer dans les 10-15 à la bouée. Nous choisissons de glisser un peu sous la flotte, qui choisit en majorité de se placer sous la falaise, à droite en descendant. Certains ont décidé d'empanner à la bouée, et cela semble risqué : la route est presque directe sous spi vers Basse Vieille, il faut juste parer les rochers au pied du cap. Mais, rapidement, nous estimons qu'il y a plus de pression au large, et nous voyons bien qu'un peu de droite, emmène la flotte au-dessus de la route. Quand les bateaux devant recroisent à notre hauteur ou derrière, nous comprenons que notre choix est bon.
Devant, les protos ont de l'avance. Et, à leur niveau, il se passe quelque chose : le vent tombe, les spis sont affalés, ils semblent au près. Que se passe-t-il ???? C'est le thermique qui rentre et s'oppose au synoptique de NE. Nous mettons un peu de temps à comprendre, mais une fois que c'est fait, nous décidons d'avancer le plus possible vers le nouveau vent, plutôt que de tenter de contourner la bulle de molle, comme le font certains. Derrière, où le NE souffle encore, la flotte recolle. On affale prestement, on matosse vers l'avant et je m'installe sur la plage avant.
On accroche un filet d'air et on s'y accroche... Et nous parvenons à nous extirper de cette zone de transition. Devant, les protos et plusieurs bateaux de série : le Dingo 2 (D2) de Pierre Rolland (1er exemplaire de la série, pour l'instant classé en proto, 1er officieux du parcours offshore), Traiteur de Paris, remis de sa 13e place sur le parcours offshore, le Mistral 6.50 de Bertrand Delesne, encore dans un bon coup, Buffalo, le seul Super-Calin de la flotte, à Simon Lemaître, et Achat VIP, de notre camarade d'entraînement de Lorient, Mathieu Corbel. Dégagés du cap de la Chèvre, où certains restent englués, le vent adonne et nous envoyons le code 5, qui nous permet de doubler Simon, et de lâcher Qualitel, juste dans notre arrière, tout en revenant sur Traiteur de Paris, le D2 et le Mistral.
Nous passons Basse-Vieille dans cet ordre. Le bord suivant vers le Bouc est au près. De quel côté aller ? Devant, le Traiteur intraitable continue sur la gauche. Derrière, le Mistral et le D2 ont renvoyé à droite. Plus tardivement, nous choisissons de faire la même chose : il y a sans doute moins de courant et puis il faut attaquer, nous aurons du mal à nous débarrasser du Traiteur si nous restons avec lui. Sur le bord vers la droite, le vent mollit et prend de la gauche. Mais nous voyons un peu plus loin devant le proto de Rémi Aubrun débouler à grande vitesse : devant nous, encore assez loin, il y a de l'air frais, cela moutonne et on dirait bien qu'il y a de la droite vu la vitesse de Rémi... On patiente tandis que l'ensemble de la flotte ralentit dans le clapot. Bingo ! De l'air, plus fort et plus à droite. On vire, légèrement au-dessus de la lay-line, et en passant la bouée, nous sommes collés aux basques du 423 de Mathieu Corbel et du D2.
C'est bien passé à droite au près, il faut faire la même chose au portant : on empanne rapidement, un peu avant nos deux prédécesseurs, qui se retrouvent gênés, sous notre vent. Bonne opération ! Avec notre nouveau spi, nous avons la balle. Le 423 n'arrive pas à suivre le rythme, le D2 doit lofer et croiser derrière pour se dégager. Erwan à la barre, je pompe pour partir en surf sur les petites vagues levées par le thermique. Nous décidons de changer l'inter pour le génois pendant que nous sommes sous spi. Une opération longue et fastidieuse avec les manilles textiles installées sur cette voile qui est sensée rester tout le temps à poste...
A peine l'opération terminée, il faut empanner, nous choisissons de le faire en même temps que le D2, histoire de le gêner jusqu'au bout - c'est le jeu. Il tente de lofer mais arrête bientôt, ce n'est pas une opération rentable, nous pourrions nous éloigner de trop de la bouée sous le vent (Basse Vieille) qui nous demandera un nouvel empannage. Nous parvenons, sans trop de difficultés (et c'est une bonne nouvelle), à contrôler le 1er des bateaux de série de la quatrième génération qu'est le D2 : au portant, dans ces conditions (10-12 nœuds), nous allons plus vite.
L'enroulement de Basse Vieille se fait nickel, avec un affalage de spi ultra-tardif, qui nous permet de creuser encore un peu l'écart. Mais nous allons commettre la seule erreur de la régate : nous décidons d'envoyer le gennaker. Mais ça ne passe pas : le D2 attend de voir le résultat et se garde bien de faire de même voyant que nous peinons à tenir le cap trop près du vent. En plus, je ne parviens pas à renvoyer le génois, la drisse bloque. Erwan tente à son tour et trouve le problème : la drisse sous tension du gennak bloque celle du génois, sans doute parce qu'il y a un tour entre elle dans le mât. Finalement, nous parvenons à affaler le gennak mais le D2 en a profité pour nous passer au vent.
Je décide de lofer juste derrière lui pour grimper le plus possible en prévision du long bord de près qui nous attend jusqu'à Morgat. Au passage du cap de la Chèvre, le vent adonne pour nous, moins pour le D2 qui perd beaucoup en latéral. Tellement qu'il décide très tôt de virer et recroise derrière nous. C'est sans doute à ce moment-là qu'il perd la régate. Nous reprenons nos réglages de la veille, qui nous ont si bien réussi. La vitesse au près est de nouveau au rendez-vous et, au début, par pure flemme, nous décidons de ne pas contrôler le D2 qui tente d'aller chercher de la droite sous la falaise. Mais, bientôt, Erwan, qui rechignait à se défoncer une nouvelle fois au matossage (je lui ai repris la barre quand le génois refusait de monter), se prend au jeu, et nous contrôlons de loin : on ne sait jamais, Pierre Rolland n'est pas un manchot de la régate.
Mais le D2 ne reviendra pas et nous franchissons en vainqueur la ligne sur le coup de 17h30. Une belle satisfaction, tant la régate a été bien maîtrisée. Et puis, aussi, une grande fierté d'offrir à Jacques sa première victoire de manche sur une course du circuit mini... Arrivé au port, je vais émarger et je découvre alors le classement général de la veille : nous étions 4e avant notre victoire du jour ! Ca alors, je n'y croyais pas ! Devant nous au classement, Antoine Debled, 1er, Yann Sassy, 2e et le Tip-Top, 3e. Il y a un coup à jouer au général...
En fait, toute la course s'est jouée sur la ligne : en finissant 2e de la manche, un mètre devant Yann Sassy, Damien Guillou et son Tip-Top gagnent la Demi-Clé, car dans le même temps, Antoine termine 6e (je crois), et surtout, laisse passer le Super Calin. Bilan : égalité de point avec nous. Mais comme nous avons gagné la manche, nous le devançons et montons sur le podium !
Du coup, on aurait presque des regrets : le 1er a 18 points, le 2e 19 et nous 20. Il suffisait de pas grand chose pour faire encore mieux. Avec un parcours offshore coef 2, nous serions 2èmes, et nous aurions gagné avec un coef 3... Et si nous avions un peu mieux tricoté le jeudi, je ne vous en parle même pas ;-)
Ce sera pour la prochaine fois !
Merci à Erwan T. pour son efficacité et son éternelle bonne humeur. On ne navigue que tous les 7 ans ensemble, mais c'est bien à chaque fois !