[Mini-Transat 2001, entrée dans le Pot-au-Noir. Photo PYL]
C'est une question qui revient tôt ou tard, en mer, lorsque je suis en course : mais qu'est-ce que je fous là ?
Qu'est-ce que je fais là, incapable d'allumer le réchaud, tellement je tremble de froid et de fatigue, en plein milieu du Golfe de Gascogne, à 3h00 du matin ?
Qu'est-ce que je fais là, trempé par les vagues, une boule d'angoisse vrillé au fond du ventre quand le bateau part à 14 noeuds en surf sous pilote ?
Qu'est-ce que je fais-là, dans cette pétole, cramé par le soleil, privé de sommeil depuis 36 heures, à regarder mon adversaire direct s'échapper ?
Qu'est-ce que je fais là, à changer une énième fois de voile d'avant, comme un automate, parce que le vent vient d'adonner de quelques degrés ?
Qu'est-ce que je fais là, le souffle court, la tête qui tourne, à déplacer pour la millième fois le matériel dans le bateau pour répartir au mieux les poids ?
Je peux vous dire que l'on a rarement la réponse à cette question sur l'eau. Mais quand, après quatre jours de bagarre, la ligne d'arrivée est passée, quand vous retrouvez les copains barbus, la gueule brûlée par le sel et le soleil, des valises sous les yeux, mais le regard brillant, le début de la réponse approche.
Dès la première gorgée de bière, la réponse se précise. Après une entrecôte saignante, une bonne douche et une nuit dans un vrai lit et des draps propres, elle se fait claire : parce c'est bon !!!
Et au lever, devant le café du petit déjeuenr, tout est clair : nulle part ailleurs qu'au large en solitaire et en course, je ne parviens à aller chercher au plus profond de moi-même ces sensations.
La course au large en solo, c'est le seul truc qui me fait aller chercher des trucs qui ne sont pas dans le manuel, des trucs qui vous font aller au bout du bout, là où on ne se connaît plus et où on apprend sur soi-même plus que n'importe où ailleurs.
C'est pour cette raison qu'après s'être juré 456 fois en mer de ne pas recommencer, on attend avec impatience, tout juste installé dans le TGV retour, la prochaine course !
Pour le moment, j'atterris ; dès demain, le feuilleton de la course, épisode par épisode...