[Quand le ciel et la mer se confondent : pétole pendant le Mini-Pavois... 2001. Photo PYL]
Alors que l'aube pointe, de petits grains se succèdent, avec de la pluie et pas de vent... Psychologiquement, c'est dur, après avoir enquillé une descente pleine balle, il faut se faire à l'idée que la remontée va nous prendre plus de temps... et que tout est à refaire. Un nouveau départ est donné : dur à admettre, mais c'est comme ça.
Vers 7h00 du matin, les nuages s'en vont progressivement, la pétole devient totale puis, le très faible flux s'inverse et 1 noeud de vent rentre du sud-est. Puis 2, 3, 4, 5... Sous gennak nous faisons route vers l'Ile d'Yeu. Ca fait du bien quand ça repart ! Le problème, évidemment, c'est que tout le monde est reparti en même temps. Et que paradoxalement, ceux qui sont plus en arrière font eux aussi route directe et au-dessus de nous !
En fin de matinée, j'ai doublé Matthieu Sannié, le bateau va bien tout seul, je peux prendre un peu de repos. Puis le vent refuse progressivement en montant à l'Est, il faut rouler le gennak, nous faisons route au près. Moins drôle, mais plus reposant... Sous le soleil, ça fait du bien ! Au vent, un bateau avec une impressionnante GV à corne me remonte progressivement, en vitesse et en cap. Mais impossible de l'identifier : un proto sans doute, mais je n'arrive pas à en être sûr...
Toute la journée, le vent continue à tourner vers le NE, puis le N. Tout le monde attend avec impatience le bulletin de 20h00 de France Inter. Pas de bol, il y a un multiplex de foot ce soir-là, et, comme toujours dans ce cas-là, priorité au foot ! Si vous voulez une météo, il faut écouter Radio-France en FM. Et on est un peu loin pour ça...
Bref, la route pour l'Ile d'Yeu, prochaine marque à virer, est au 30 et, avec ce vent de N, presque NO, nous naviguons au 320. De deux choses l'une : ou c'est l'anticyclone situé sur les îles britanniques qui prend le pouvoir et nous allons avoir du NO, soit c'est la dépression orageuse située sur l'Espagne et nous aurons du SE. Dans les deux cas, je pense qu'on a intérêt à virer pour privilégier la route directe.
A 21h00 je fausse compagnie à mes petits camarades autour de moi que j'entends à la VHF. Et je pense que je suis l'un des premiers à virer. Sur l'autre amure je suis quasiment en route directe : c'est le bon choix. Pas question d'aller roupiller, si ça se trouve, le vent va revenir au SE, c'est ce que la météo prévoyait au départ mercredi matin (nous sommes vendredi soir).
Le vent baisse progressivement, je traverse des bancs de brume. La pétole n'est pas loin et je me demande à plusieurs reprises si je ne suis pas en train de me jeter dans la gueule du loup appelé anticyclone. Mais non. Je croise un bateau sur l'autre amure, sans pouvoir l'identifier. Petit à petit, le vent refuse : c'est la bascule au SE qui arrive ! Le pilote en mode vent, je suis minute après minute la trace de mon bateau qui s'incline inexorablement vers l'Est sur le GPS.
Excité comme une puce, j'ai envie de renvoyer vers l'Ile d'Yeu à plusieurs reprises, mais j'arrive à attendre le petit matin. A 6 heures samedi matin, je vire de bord, route directe vers les Chiens Perrins, le phare qui balise la pointe ouest d'Yeu. Nickel ! Je sens la bonne opération...
Il ne me faut pas beaucoup de temps pour confirmer ce petit coup : Thomas Ruyant, sur son proto 247, m'appelle à la VHF, et il est 4 milles derrière alors qu'il avait 4 milles d'avance hier soir ! Thomas Bonnier, qui avait 1 mille de retard hier, en a 8... Et le bateau qui m'avait remonté hier ? Et bien il est juste derrière dans mon axe, toujours aussi rapide : c'est Erwan Le Roux - "Juanito" - sur son plan Finot-Conq flambant neuf ! Lui-même n'en revient pas de me voir là...
Cette journée du samedi va être beaucoup moins plaisante que celle de la veille. Le vent mollit tout au long de la journée, puis se met à tourner de façon erratique. Génois, gennak, grand spi, toute la garde robe y passe. Plus je m'approche de l'Ile d'Yeu, moins il y a de vent qui, en plus, vient de l'arrière. Mais une très bonne nouvelle arrive par VHF : Thomas Ruyant m'annonce qu'il vient de croiser... Francisco !
Le jeune portugais qui va vite avait 3 heures d'avance à Gijon : j'ai désormais 4 milles d'avance, dans la pétole. Pour moi, je suis en tête de la course - je ne sais pas que Nicolas Bunoust est devant... Galvanisé, je m'applique à manoeuvrer à pas de chat, déplaçant soigneusement les poids vers l'avant du bateau. Le vent s'établit progressivement au SO (ben oui ! Bizarre, non ?) pendant que la nuit tombe et je fais route directe vers les Chiens Perrins. Sur Inter, il y a toujours du foot, donc toujours pas de météo. Pas facile d'établir une stratégie. J'ai bien appelé un pêcheur qui passait par là ("La météo ? Ben ça va rester comme ça, beau !") puis le sémaphore, mais personne ne dit la même chose. Le sémaphore de Saint-Sauveur annonce un flux d'ouest dominant pour la nuit, ce qui semble être la réalité.
A l'approche du phare, le vent tombe. La brume arrive. Plus un brin d'air. J'entends le ressac sur les rochers à moins d'un mille. Derrière j'entends aussi Thomas et Francisco qui reviennent. Un nouvel arrêt buffet se précise, hélas ! Deux fois le vent revient et Altaïde-Moovement reprend sa course, deux fois tout s'arrrête. Puis le vent rentre une dernière fois, fort, même, toujours avec une brume dense. Je commence à sérieusement fatiguer, je préfère prendre large pour arrondir l'île. Je m'annonce au pointage, effectué par Muriel de GPO, assise en pleine nuit sur un caillou à la pointe de l'Ile ! Elle m'annonce que deux bateaux sont déjà passés en série : le 488, Nicolas Bunoust, et le 552. Le 552 ??? Mais d'où il sort celui-là ??? Je checke la liste des inscrits : le 552, c'est Sébastien Rogues sur Kaïros. Jamais vu, jamais croisé. En tout cas, il a fait une super remontée... Je me voyais premier, je suis 3e, petit coup au moral... En fait, il y a eu confusion à la VHF, et le 552 est loin derrière, Seb ne passera Yeu qu'à 19h le soir...
Au milieu du pont d'Yeu (entre l'île et le continent) j'empanne, Thomas Ruyant à mes trousses. A l'Est, le ciel s'éclaircit, l'aube est proche. Nous dépassons la pointe Est de l'île. Derrière, je vois le feu de Francisco, revenu à moins d'un mille quand j'étais empétolé au pied des Chiens Perrins : la bagarre n'est pas finie et notre quatrième nuit en course s'achève. Une fois de plus, tout est à refaire.
Le vent semble stable, la visi est bonne, les dangers sont parés, si je veux être d'attaque pour la journée qui s'annonce, il faut aller grapiller quelques minutes de sommeil...